Sanmi Ittaï

La vérité ultime du kyudo se comprend dans l’union de l’esprit, du corps et de l’arc.

Sanmi-Ittaï signifie l’union, l’unification des trois éléments essentiels de la pratique du kyudo que sont l’esprit, le corps et l’arc en un tout harmonieux.
Plus spécifiquement cela exprime que le kyudo nécessite :

      1. un esprit (kokoro) stable,
      2. un corps stable, et
      3. une technique très achevée.

Un esprit stable est un esprit pur qui est libéré des pensées futiles et des fantasmes qui s’interposent dans le flot sinon limpide de l’esprit. Un corps stable est un corps qui, contrôlé par un esprit et une pensée purs, est capable de se conformer aux principes du « corps naturel » (le shizentaï). Une technique bien achevée signifie la perfection dans le Shaho.

Ceci est la matière essentielle du Raïki-Shagi et du Shaho-Kun, et c’est d’une signification profonde dans tous les aspects du kyudo. Le Raïki-Shagi laisse entendre que l’unification de l’esprit, du corps et de l’arc, non seulement conduit à l’excellence dans la technique de tir, mais aussi que le kyudo pratiqué ainsi révèle la vraie valeur de l’archer. Cette unification est ainsi la base indispensable à l’expression vraie et naturelle des deux principes du kyudo : « sha », le tir et « reï », le respect mutuel, la courtoisie, l’attitude juste. Une assertion fondamentale de la philosophie du kyudo est que cette unification mène à la fois à la réussite dans le tir, et au développement d’un caractère intègre qui s’exprimera dans tous les aspects de la vie.

Qu’entend-on par stabilité de l’esprit? On reconnaît dans le kyudo qu’un certain nombre de blocages psychologiques constituent autant de barrières sur le chemin du progrès, et d’impuretés dans l’esprit et le mental. On les appelle les ‘sept barrières’ qui sont : la complaisance, la colère, l’anxiété, la surprise, la tristesse, la peur et l’intellectualisation.

Toutes ces ‘barrières’ engendrées par le mental ont un effet adverse à la fois sur l’esprit et le corps, ce qui conduit à ébranler le tir. Elles ne sont que le résultat de nos désirs et fixations, élabores dans notre mental par la seule valeur que l’on accorde aux choses extérieures. Elles n’ont pas d’existence intrinsèque, ni n’ont de lien réel avec ces choses, mais ne sont que la manifestation de nos bagages que l’on traîne avec soi dans sa propre pratique. Donc pour retrouver l’esprit clair et stable (‘heijoshin’ : l’esprit de tous les jours), vous devez lutter pour vous débarrasser de ces barrières. C’est quand votre esprit sera éclairci et dépollué de ses attachements futiles, que le corps pourra devenir ferme, stable et plein de force et de vitalité. Alors vous pourrez manier l’arc librement, et exprimer la technique dans sa perfection.

Vous ne pourrez atteindre le « sanmi-ittaï » sans une pratique assidue, où seul un effort soutenu vous permettra de dépasser vos faiblesses, mentales, spirituelles et physiques. Sans cet effort, votre mental ni votre esprit ne pourront être purifiés. Si votre mental ou votre esprit sont impurs, vous ne pourrez exprimer correctement le shaho. Sans une expression correcte du shaho, vous ne pourrez réaliser le tir vrai et juste. En résumé, atteindre le « sanmi-ittaï » présuppose une pratique incessante pendant de nombreuses années, qui aura permis de vous épurer de toutes ces tares de l’esprit et du mental qui rendent votre tir impur.

Quand votre mental et votre esprit sont ainsi purifiés, ils deviennent naturellement spontanés et sincères. Ils vous permettent alors d’être en relation avec votre vie et votre tir de façon lucide et objective, et d’atteindre le tir idéal, parfait, qui est le but du kyudo. Quand vous êtes parvenu à vous voir clairement à travers votre tir, de même vous pouvez clairement voir votre vie. Avec un esprit et un mental réunissant ces conditions, vous pouvez alors pleinement exprimer les idéaux du « shin-zen-bi » (vérité-bonté-beauté) de manière naturelle et vraie. Exprimant shin-zen-bi dans votre tir et votre vie, on pourra dire que vous avez « shahin » et « shakaku », la dignité et la noblesse du tir.

Les vrais « shahin » et « shakaku » signifient bien plus que l’adresse au tir. Shahin et shakaku ne s’obtiennent qu’à la condition d’un entraînement du mental et de l’esprit en même temps que de celui du corps. Un entraînement correct du mental et de l’esprit conduira automatiquement au développement de la personnalité. Quand vous exprimerez votre sincérité et votre force de caractère dans l’ensemble de votre tir, composé d’un équilibre harmonieux de technique juste exécutée dans les formes correctes du rituel et de l’étiquette, votre tir sera perçu comme manifestant l’harmonie parfaite. Il sera efficace en même temps qu’esthétique. C’est ce qu’exprime le Raïki-shagi quand il dit « par ce tir la vertu sera exprimée ».


La réalisation du sanmi-ittaï doit donc être vue comme le résultat d’une pratique correcte du kyudo, qui incorpore tous les ingrédients nécessaires, ceux qui développent la technique de tir, avec ceux qui entraînent le mental, l’esprit et forment la personnalité. Dans son sens ultime, le sanmi-ittaï est donc l’expression cumulée, manifestée dans le tir, de tous les éléments essentiels du kyudo.

Suite: Seisha Hitchu