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L'esprit du Kyudo, par Earl Hartman

Seisha Hitchu
Le tir vrai ne manque jamais le but.

 

Je crois fermement dans le "seisha-hitchu", que "le tir vrai ne manque jamais le but". Ce qui a aussi été exprimé par l'expression "Hosha hitchu", "le tir en accord avec les règles ne manque jamais le but". Qu'entend-on par "Seisha" ou "Hosha" ?


Intrinsèquement, ils expriment un "tir vrai", vrai dans le sens ou le tir a été exécuté dans les règles du Shaho. Techniquement cela signifie que le tir est conforme au kihon-taïkeï, ou les formes fondamentales (en particulier tatéyoko-jumonji, sanju-jumonji et goju-jumonji), que vous avez atteint clarté et concentration du mental et de l'esprit (shinki no hataraki) qui sont nécessaires pour accomplir adéquatement le travail interne du shaho (tsuméaï et nobiaï), qui permettra une conclusion réussie du tir.

Du point de vue de l'esprit, seisha et hosha signifient que l'harmonie entre l'esprit, le corps et l'arc est réalisée, c'est-à-dire que vous avez parachevé le sanmi-ittaï. La flèche percera alors véritablement la mato sans faute. Seisha est donc l'expression physique de sanmi-ittaï. Même si cela peut vous paraître un but irréalisable, vous devez croire que si le tir est parfait, il ne peut pas manquer la cible. C'est cela que l'on doit s'efforcer d'atteindre dans l'entraînement. Chaque tir, s'il est sincère, est un pas en direction de ce but.

Le défunt Urakami Sakaé Hanshi, maître de Heki-Ryu Insaï-ha, et maître de mon maître le défunt Murakami Hisashi Hanshi, décrivait le concept de Hosha Hitchu ainsi:


"L'objectif de la Voie du Tir est, en rassemblant son courage, de se corriger, d'affermir ses os et ses tendons, et d'atteindre la cible dans le Ho (la Loi du Tir, le shaho). En conséquence, celui qui désire tirer à l'arc doit commencer par avoir une motivation juste, corriger son esprit, et pratiquer la forme de tir correcte en suivant les normes appropriées, à chaque étape de ashibumi, doozokuri, torikake, tenouchi et yugamae, en passant par uchiokoshi et hikiwake san-bun-no-ni, et jusqu'à tsumeaï, nobiaï, yagoro, hanare et zanshin. Quand la forme est correcte, vos articulations seront correctement alignées, la puissance de vos muscles sera justement équilibrée, l'ouverture de l'arc sera en accord avec votre constitution, votre esprit sera tranquille et aucune distraction ne viendra vous troubler, votre corps et vos membres déborderont de vitalité, vous serez un avec l'arc, votre corps et votre esprit seront inébranlables l'arc immuable, et toute la longueur de la flèche sera imbue de puissance et pénétrée de vie. Ainsi vous devez attendre que tous ces éléments individuels se réunissent en un tout, et attendre que le décocher survienne.
Si vous tirez ainsi vous ne manquerez jamais la cible du fait de trop penser. Ce ne sera pas seulement "mosha guchu" (un tir qui atteind la cible par hasard) mais "hosha hichu" (un tir en accord avec la loi, qui ne rate jamais). Donc si une flèche tirée manque la cible, il faut sérieusement en rechercher la raison, soit que la forme du tir n'est pas conforme aux principes, soit que le mental et l'esprit ne sont pas concentrés, et rechercher la réponse en vous-même.

Comme le fait de toucher ou non la cible ne dépend que de vous, il n'y a aucune raison d'être fier de la toucher, ni en colère de la manquer. L'essentiel ne consiste qu'en l'élimination des doutes et de l'ego, et en l'éveil à l'ainséité de la Nature, à ne pas s'abandonner à l'intellectualisation, et à la discrimination et à reléguer le royaume de l'intention et de la rationalisation, et, semblable à la réflexion d'un objet par un miroir, ou de la lune à la surface de l'eau, de reposer les yeux de l'esprit dans le domaine du "munen-muso" (sans dessein, sans pensée), et de s'efforcer de tirer la flèche en accord avec la Loi."
(Urakami Sakaé Hanshi, "Le but de la Voie du Tir du Kyujutsu Hekiryu")


Note: il est intéressant de noter que Urakami Sakaé Hanshi n'utilise pas le Shaho-Hassetsu dans les conventions de la Fédération, où torikake et tenouchi font partie de yugamae, et kaï intègre nobiaï, tsumeaï et yagoro. Le sanbun-noni (deux-tiers) est une position intermédiaire de hikiwake particulière à la lignée Urakami de Insaï-ha, où la flèche est environ au niveau du sourcil et la main est passée derrière l'oreille.

Il est ainsi clair que l'exécution correcte du Shaho exige un mélange équilibré d'éléments physiques et psychiques, l'aspect psychique (shinki no hataraki) étant celui qui donne vie à la technique corporelle. Quand cela est réalisé, le toucher de la cible ne fait pas de doute.

Ce n'est que dans ce contexte qu'en kyudo le toucher de la cible doit être évalué. Yoshimi Junseï et Urakami Hanshi, tout deux soulignent qu'atteindre la cible est fondamental en kyudo ; effectivement, pourquoi devrait-il en être autrement ? Mais il est cependant vital de bien comprendre que l'essentiel n'est pas de savoir si on touche la cible, mais comment on la touche. Il faut bien avoir en esprit, et accepter comme un acte de foi, que c'est de toucher la cible dans les règles du shaho, et cela seulement, qui donne un sens au toucher de la cible en kyudo. Toucher la cible n'est pas un objectif en soi; l'objectif est, comme le dit Urakami Hanshi, de toucher la cible "en accord avec la Loi". Tous les autres touchers sont mosha guchu, un coup de chance. Il est essentiel de bien comprendre cette différence dans l'entraînement au kyudo.

C'est pourquoi la philosophie du kyudo fait une distinction très claire entre "atéru", atteindre la cible du fait d'un acte conscient et délibéré, et "ataru", où la flèche atteind la cible naturellement, résultat d'un tir vrai. C'est le second qui est Seïsha. On préfère le second car quand le tir se déroule naturellement il n'y a aucune chance que le mental, toujours susceptible de rationalisation et de discrimination, puisse gâcher le tir. De fait Seïsha est la méthode pour être précis.

Mais ce n'est pas parce qu'un vrai tir inévitablement atteind la cible, que tout tir qui atteind la cible est un vrai tir. Ne pas comprendre cela conduit à la faillite de la pratique du kyudo. C'est peut-être le point le plus important du kyudo, et il n'est donc pas possible de trop le souligner. C'est relativement facile de faire une somme d'erreurs fortuites et d'atteindre la cible. On apprend alors très vite à reproduire la même combinaison qui devient une habitude. Et si elle nous permet d'atteindre régulièrement la cible, on est alors certain d'avoir maîtrisé seïsha, et il suffit de faire quelques corrections mineures s'il arrive qu'à un moment on s'éloigne de la cible. Alors, sans s'en rendre compte, on oublie les principes de base et se limite à travailler des trucs techniques. C'est alors sans espoir de progrès jusqu'à ce qu'on réalise ce qui s'est passé et accepte de faire l'effort d'y remédier. C'est ce qu'exprime Yoshimi Junseï quand il dit "la voie n'est pas avec l'arc mais avec les os", ce qui signifie que le kyudo n'est pas une question de trucs et techniques pour manipuler l'arc, mais de pratiquer les principes fondamentaux.

Vue sous cet angle, l'approche du kyudo est assez paradoxale. L'effort conscient d'atteindre la cible, combiné à un mélange de désir de réussite et de crainte d'échec, rentre inévitablement dans la sphère des "sept barrières" qui provoquent tensions et déformations dans le corps et dans l'esprit. Avec un esprit et un corps tendu il n'est pas possible de tirer librement. Sans liberté dans le tir, la cible ne peut pas réellement être atteinte. La voie de la cible est en fait de se détourner suffisamment de cet attachement afin d'être suffisamment calme et conscient pour ouvrir l'arc correctement. Pour y parvenir il faut croire absolument que seul l'effort maximal de pratiquer dans les règles du shaho permettra à la flèche d'atteindre la cible sans faute.

C'est ce qui sera possible quand de part votre propre effort vous aurez atteind à "l'élimination des doutes et de l'ego, et à l'éveil à l'ainséité de la Nature, (...) et à calmer les yeux de l'esprit dans le domaine du munen-muso". La cible viendra alors à vous sans que vous n'ayez à la chasser et vous réaliserez l'art "d'atteindre sans atteindre", de "tirer sans tirer". Il faut cependant souligner que cela ne pourra être achevé qu'à condition d'une pratique des plus acharnées.

 
 
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