Stage LIFKT Enteki, Tournan le 13 juin 2010 |
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Le Enteki ...ou tirer sans voir la cible |
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Le Entéki ...ou tirer sans voir la cible. Lorsque Claude m'a demandé de raconter mon expérience de cette fameuse journée, je me suis dit « aie aie aie, que dire alors que j'ai rien vu ?! ». Chaque fois que l'on s'avance sur le pas de tir, le kyudo offre une opportunité de rencontre, une chance de comprendre ce qui s'obstine à échapper au pratiquant et au vivant, de vivre une expérience unique par le tir. Apprivoiser la technique du tir et l'esprit de la pratique n'est pas une mince affaire en soi...mais on prend rapidement ses habitudes. Au Entéki comme dans toute pratique du tir, il faut commencer par s'enraciner...or s'enraciner dans les zoris... ça commençait mal, je me sentais complètement coupée du sol. Alors j'ai planté mes tabis dans l'herbe pour ressentir l'environnement comme faisant parti de l'expérience du Entéki. Les sensations étaient là. Trouver l'axe de la cible et maintenir ma stabilité dans la construction du tir malgré le changement de repères furent mes objectifs...Déstabilisée par un environnement nouveau et des distances qui me semblaient vertigineuses, il fallait me raccrocher aux sensations connues et intériorisées. Les retrouver. Les maintenir. Alors je les ai cherchées et j'ai refusé de les lâcher. Découvrir l'inconnu à partir du connu. On peut toujours y croire...tant qu'on n'a pas fait l'expérience du Entéki. J'ai trouvé l'axe de la cible mais mon tir fut chaque fois « trop court... ». Tout cet espace à traverser... la perte de repères visuels sur la cible de par le tir parabolique... Tirer dans le ciel, à perte de vue...comme en perdant la vue et de vue la cible. Quel désarroi. Le Entéki est une expérience de tir dans la pratique du kyudo...or comme nombre d'expériences, il faut oser : prendre le risque de se perdre ou de perdre sa flèche en route, de ne pas savoir, d'osciller, voire de vaciller, de se mettre en action entre ce qui est connu, ce qui ne l'est pas, et ce qui échappera. Et en rentrant chez soi, après une journée de sensations à mettre en sens, peut-être qu'une jeune pratiquante se rendra compte que finalement, à ne pas voir la cible, elle a oublié de chercher comment voir autrement. Se fier à ses sensations, ce lien à la cible qui s'installe, si étrange...sans la vue, je perdais un bout du chemin. Et chaque fois mon tir m'a dit la même chose sans que je l'entende. « Trop court ». Quel moqueur ! Agacée, frustrée, il a fallu que je rentre chez moi pour comprendre et enfin sourire de l'expérience. « Trop court Corinne... ». Trop court parce que tu n'as pas réussi à voir plus loin que le bout de ton nez. Or, dans le kyudo, tout va toujours plus loin qu'il n'y paraît. Il faut étendre sa vue. Regarder au delà de ce qui semble être. Voir au delà de la cible. Sentir en soi et au delà. Je suis restée en moi, c'était confortable jusqu'à ce que mon tir vienne me narguer sous mon nez : « trop court ». Alors j'ai souri après le Entéki...parce que ce fut une drôle d'expérience. Surprenante. Je m'attendais à tout à fait autre chose. Peut être faut-il ne s'attendre à rien dans le kyudo ? L'attente empêcherait de voir ce qui est, notre regard se focalisant obstinément sur ce que l'on attend même si cela ne vient visiblement pas. J'avais attendu et vu « trop court ». J'avais senti « trop court », et enfin ça laissait apparaître une ouverture forcément réduite. Mais quel enseignement ! Vivement l'année prochaine pour grandir ! Il manquerait plus que j'écrive un texte trop court sans conclusion ! Mais que conclure à ce qui ne fait que commencer ? Je préfère ouvrir la porte à tous les pratiquants en les invitant à nous rejoindre au prochain Entéki pour profiter d'une belle journée de pratique. Merci aux « anciens » de m'avoir transmis l'envie de participer à cette journée ainsi qu'aux organisateurs qui nous donnent l'occasion d'apprendre comment voir autrement et d'enrichir notre pratique du kyudo. Sans doutes que le kyudo est aussi riche d'expériences qu'il y a de pratiquants. Voici donc comment d'autres ont su profité de cette journée pour voler, comme en témoigne Martine. (Au plaisir de voler avec toi l'an prochain). Corinne D. © Les photos sont de Eric Moulin |
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